Entretien avec le Dr Jean-Pierre Hubert

Quand on surfe sur Internet, on est étonné par le bourgeonnement de multiples écoles qui fabriquent des sophro-analystes avec des techniques variées qui n’ont pas grand chose à voir avec la formation de sophro-analyste, et avec la cure que tu proposes depuis plus de vingt ans. 

 
       
* Ghylaine MANET et Jean-Pierre HUBERT 
 
Certains se recommandent de toi mais lorsqu’on regarde de près leurs programmes de formation, on est étonné de l’écart entre ton travail et le leur.  
Rendons à César ce qui est à César en précisant ici ta démarche, l’apport de la sophro-analyse à la sophrologie caycédienne depuis 1985. 
 
Pour éclairer notre lanterne , nous pouvons revenir au texte de la sophro-analyse du Traité de sophrologie, tome 2 méthodes et techniques (Edition Le courrier du Livre (Janvier 1985), p 152- 153 (encart) que tu écrivais dans le livre où Raymond ABREZOL et toi-même ont éprouvé le besoin de mettre sur le papier les techniques employées dans votre formation, rue de Rennes à paris, et largement diffusées par plus de 3000 élèves.  Car, ne l’oublions pas le Centre de paris ouvert avec la collaboration de Alphonso Caycedo en 1971, a été le tremplin de base pour beaucoup d’entre nous qui travaillons dans nos cabinets, formons des équipes qui à leur tour créent des écoles. 
 
Au passage, chacun y met sa patte, oubliant souvent d’où il a tiré son enseignement, et propose ses propres mixages qui promettent à tous ceux qui ont soif et faim d’ouverture de conscience la cessation de leurs souffrances. 
 
Jean- Pierre HUBERT : 
 
Dès le congrès mondial de Bogota ( Colombie) en 1982, j'ai démontré l'importance et la nécessité de conférer aussi à la sophrologie une perspective analytique profitant de l'avantage de l'aspect dynamique par médiation de la relaxation primitive. 
Comme l'écrit le Dr DURAND de BOUSSINGEN dans la préface de la Relaxation dynamique, que j'ai écrite , en abandonnant les investissements sous état sophronique, la sophrologie découvre l'inconscient.  Deux données à souligner : la situation analytique et la puissance de transfert lié nécessairement à cette situation. 
 
La sophrologie de l'époque de 1960 ne connaissait pas grand-chose les états hypnoïdes. 
Alfonso Caycedo est le représentant de BINSWANGER, lui-même analyste qui a un temps adhéré à la psychanalyse en tant qu'école freudienne et qui se retourne ensuite vers la phénoménologie de HUSSERL. 
Le véritable démarrage de la sophrologie c'est BINSWANGER qui en est le responsable.  Il est passé de la psychanalyse à l'analyse pour entrer de nouveau dans la phénoménologie, dans le DASEIN de HEIDEGGER.  
 
La sophrologie parle moins pour laisser la place au discours du patient.  La sophrologie ouvre à un double secteur : celui de la technique scientifique pour vérifier les applications et la sophrologie humaniste 
 
L'aspect biodynamique commence avec le Training autogène de Schultz offre un dialogue avec le corps, augmentant l’expression passive de l'exercice de base de la sophrologie. 
Ces exercices sont biodynamiques du fait qu'on rentre dans un dialogue. 
 
Qu'est-ce que la biodynamique? C’est le mouvement, le geste et l'expression libératoire du geste.. 
La bioénergie, c'est l'énergie de la vie. Ce qu'on découvre c'est une reprise de la philosophie de REICH, à travers la présence de la cuirasse corporelle, son éclatement, son traitement. 
L'expression bio-dynamique va entraîner une expression de colère inavouable mais libératrice. 
Cette expression bio-dynamique est déjà présente dans la Relaxation dynamique de base. Cette expression du geste, cette colère infantile, la régression narcissique primaire va nous donner le moyen d'exprimer cette colère , son angoisse, et libérer le discours du sujet. Le geste va lui permettre de parler.. 
 
La formation de sophrologue-analyste comprend l'étude de la phénoménologie, la considération du phénomène, c'est-à-dire ce qui apparaît et va entraîner une réponse schématiquement, elle est consciente mais sous-tendue par l'inconscient, par la pulsion. 
J'hérite de Schultz et de la psychanalyse en fonction de la phénoménologie et de BINSWANGER avec son analyse existentielle tout en restant dans la lignée freudienne. 
 
Pourquoi les élèves ne terminent pas leurs études de sophrologie par les examens et le mémoire ? Ils s'estiment déjà eux-mêmes sophrologues sans aller jusqu'au bout. 
Ils ne sont pas formés sur le fond. Ils sont dans une angoisse existentielle. Ils cherchent n'importe où, n'importe quoi, et s'accrochent à d'autres formations où ils espèrent combler leur manque. 
Leur formation reste toujours incomplète car ils sont en route, ou cherche toujours autre chose, ce qui manque. 
On ne veut pas se mettre dans une épreuve, on ne veut pas passer l'examen pour ne pas quitter son illusion.  
Ils se tournent vers d’autres écoles d’énergies.  
L'énergie : tout est énergie. 
Les segments de REICH qui forment la cuirasse caractérielle et physique de l'individu recouvrent les chakras de la pensée hindoue. C'est très sécurisant. 
 
En 1985 Roland CAHEN, traducteur de JUNG est intervenu fortement dans le débat qui eut lieu à l'hôpital de la Salpêtrière de Paris avec CAYCEDO et un grand parterre de médecins spécialistes, de psychiatres, de psychologues.
 
J'étais moi-même entre le marteau et l'enclume. 
Caycedo a eu du mal à comprendre ce qui se passait. Il n'est jamais revenu à Paris après ce séminaire.
D'autres techniques fascinent les étudiants : le rêve éveillé de DESOILLES, le laboratoire mental, inspiration lointaine de l’analyse Junguienne , le Rebirth de ORR.
 
Les gens ne vont pas jusqu’au bout des techniques qui les enthousiasment. Comme au fond d’eux-mêmes, ils n’ont pas résolu leur angoisse, ils ne vont pas jusqu’au bout pour ne pas franchir l’obstacle, on va faire autre chose quand on voit obstacle à franchir on va faire de la PNL ou autre chose.
« La, je vais avoir la solution » se disent-ils. 
S’ils ne veulent pas souffrir de leur propre discours, ils ne vont pas résoudre leurs questions.  Pourquoi ne pas rester dans l’illusion ? On refuse la réalité, on est systématiquement dans l’illusion, dans le porte à faux.  Certes on peut faire du bien. 
 
Ghylaine Manet : 
 
Que pensez-vous de la sophroanalyse dans la vie intra-utérine ? 
Je ne crois pas à la thérapie de la vie intra-utérine. 
Qu’est-ce qu’il en sait, le patient ? Il s’y trouve bien. Il n’y est pas. 
Que fait-on avec cela se à quoi cela aboutit ? 
La bioénergie de Alexander LOWEN, c'est une analyse, il faut donc être analysé pour la pratiquer.  
C’est aussi un starter comme les mots du Dr Schultz qu'il a proposé dans le cycle supérieur de son training autogène.. 
(Le training autogène PUF)
 
Ghylaine Manet :
 
Soit dit en passant, ces mots que tu donnes dans la cure analytique forment une passe et permet de reconnaître celui qui a vécu réellement la cure. 
Le docteur Schultz a analysé le docteur Durand de Boussingault qui a été ton analyste et c'est cette analyse que tu pratiques toi-même avec d'autres techniques dont nous allons parler. 
Les mots inducteurs que tu utilises sont ceux de Schultz et les mots qui ont été mis en exergue dans le test des 100 mots de Jung que l'on trouve dans les Racines de la Conscience. 
Ce test a été modifié par Raymond ABREZOL, je l'ai publié dans " Vivons l'école autrement à la sophrologie" éditions ESF 1991. 
 
Ces mots ne sont que des starters que le sophro -analyste utilisera selon le cas clinique et selon son intuition de thérapeute analyste. 
Ces techniques ne peuvent être utilisées que par des sophro analystes dûment formés et supervisés. 
Dès 1985, tu mets en garde les personnes contre l'incompétence et l'ignorance de thérapeutes qui n'auraient pas fait leur travail analytique sur eux-mêmes et qui prétendent aider les autres dans un enthousiasme et une illusion nocive pour eux-mêmes et pour l'autre qui est en souffrance et désorienté.
 
   
Jean-Pierre HUBERT :
Oui, c’est cela. Revenons à LOWEN. A la situation passive du training autogène de Schultz et de la sophronisation de base, qui s'avérait insuffisante, j'ai ajouté la bioénergie de Alexander LOWEN qui donne l'avantage au sujet d'entrer dans une technique pure, violente pouvant intégrer le cycle analytique et donne le moyen de vider une angoisse, une colère.  
C'est ce qu'éprouvent les gens à travers le geste, le cri, l'expression. Ensuite, ils reprennent dans une phase de décontraction proprement dite permettant de verbalise. 
On entre dans un principe qui a été donné par Alexander LOWEN, ignorant lui- même l'importance du lâcher prise. Le training autogène est un tremplin pour exprimer le geste et la colère. 
J'ai fait ma formation avec LOWEN une fois par mois à Paris puis je suis allé aux États- Unis pendant un mois bloqué.
Ghylaine Manet : 
 
Peux-tu nous donner un commentaire sur l'analyse sophro-
biodynamique ?
 
Jean-Pierre HUBERT : 
 
L'analyse sophro- biodynamique, j'en suis le père. 
Mais je dirai aujourd'hui que c'est une phase et que je l'ai élargie. 
Je préfère parler maintenant de sophrologie analytique découvrante, 
qui va utiliser la relaxation libératrice et qui offre un avantage d'être en rapport à chaque séance avec le corps physique, dans un rapport sensation - perception. 
La détente va engendrer une ouverture mentale purement sophrologique ,une vigilance particulière, une sérénité particulière qui engendre le "allez, dites". Ce n'est pas à moi qu’il dit , bien entendu. 
C'est le "dire", l'expression de ce qui vient, ce qui vous passe par la tête, sans effort particulier comme le demande "FREUD" . 
 
Il existe donc deux moyens : parler en état sophronique, comment on le fait en psychanalyse et commencer par le corps : "j'ai un corps, je ne suis pas seulement dans le mot". 
Et toi, en tant qu'analyste, tu écoutes, tu peux avoir des réactions mais pas un dialogue.  On ne va pas faire la reprise, ton patient va pouvoir parler. On peut également parler après mais c'est beaucoup plus intéressant de parler dans l'état sophronique. 
A la fin de la séance, il va revenir au corps, il va se ré ancrer dans le corps, dans la respiration et tu peux même faire une anticipation positive de la suite de la journée. 
Le patient fait sa reprise dans le monde concret .
 
Voilà la sophrologie analytique. 
Elle utilise tous ces apports dont on vient de parle. 
Elle est équilibrée dans la globalité du corps et de l'esprit. 
Elle a l'avantage de faire exprimer plus facilement dans le lâcher prise et permet à l'analysant de progresser plus vite à travers le corps vécu.
 



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